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NOTE DE SYNTHESE de la séance de Formation sur les techniques d’investigation contre les FFI face au secret bancaire et à la sécurité numérique : Numéro 05

NOTE DE SYNTHESE DE LA SEANCE DE FORMATION SUR LES TECHNIQUES D’INVESTIGATION CONTRE LES FFI FACE AU SECRET BANCAIRE ET A LA SECURITE NUMERIQUE

Consultant : Mme FALL Fatou, Expert Analyste en Défense, Sécurité et Paix

Face aux différents mécanismes générateurs de FFI et au lourd endettement des Etats africains, les défis liés au financement du développement de l’Afrique nécessitent des efforts de réflexion plus accentués. De là, l’on peut facilement entrevoir l’importance que revêtent les méthodes d’investigation mais également la nécessité de les vulgariser et de capaciter les acteurs notamment en ce qui concerne les questions afférentes au secret bancaire, à la sécurité numérique afin de renforcer certes le respect des quelques dispositions existantes en matière d’accès à l’information mais en même temps celles concernant la protection des données personnelles  et encadrant la sécurité, la transparence des transactions et la lutte contre la corruption. Dès lors, il convient de s’interroger sur les moyens pouvant permettre au journaliste d’investigation ou à tout citoyen d’aller vers l’information et de servir son pays à travers des actions concrètes allant dans le sens de la lutte contre les FFI. C’est dans ce contexte qu’il est nécessaire de procéder à l’analyse des obstacles afférents aux techniques d’investigation (I) avant de décliner quelques pistes de solutions (II) visant à faciliter le travail des journalistes d’investigation ou tout autre citoyen s’intéressant au domaine des FFI.

L’on ne peut traiter des techniques d’investigation sans pour autant explorer les gros dossiers ayant défrayé l’actualité à travers le monde entier tels que les Panama papers ou encore l’affaire SwissLeaks. Selon Hamadou Tidiane SY, journaliste, entrepreneur et directeur de l’Ecole supérieure de Journalisme, des Métiers de l’Internet et de la Communication (EJICOM), ces deux systèmes de fraude et de blanchiment ont pu être révélés grâce aux techniques d’investigation plus avancées certes mais en raison également de deux paramètres essentiels :

  • la révolution internet avec l’accès à une plus grande quantité de données en un temps réduit ;
  • l’état du monde à travers un besoin de justice éprouvé par des individus et des groupuscules.

Si la dimension électronique a beaucoup contribué à la mise à nu de réseaux bien structurés destinés à favoriser les FFI, la dimension humaine revêt à juste titre la même importance à travers les lanceurs d’alerte, qui jouent un rôle déterminant dans la conduite d’enquêtes plus approfondies et la prise en compte par les autorités compétentes. Dès lors que ces données sont disponibles en masse, les journalistes définissent plus aisément le point de départ pour leur exploitation afin de faciliter la démonstration des circuits illégaux.

Toutefois, si le rôle des journalistes d’investigation selon Mariama THIAM, journaliste et spécialiste en communication, est de collecter l’information, la traiter et dénoncer, des obstacles se présentent et obstruent la conduite des processus d’investigation. Il s’agit notamment :

  • de l’absence d’un cadre juridique sur l’accès à l’information qui complique le traitement de l’information. Si aux Etats-Unis, le journaliste peut s’adresser à l’Etat et disposer de données lorsqu’il s’agit d’argent public, tel n’est pas le cas au niveau des Etats africains ;
  • des difficultés liées à la traçabilité de l’information rendant ardu le travail journalistique et journalier ;
  • des délais de disponibilité des données concernant les nombreuses banques ayant des filiales sur le territoire national et leur siège basé ailleurs ;
  • de la faible productivité en termes de publication des informations financières par les banques mobilisant la majeure partie des flux ;
  • de la fiabilité des sources qui sont essentiellement constituées de données Le maintien de la disponibilité de ces sources constitue une équation dans la mesure où le renforcement de la confiance entre le journaliste et l’agent interne qui met à disposition des données non destinées au public doit être continu.

Bien qu’il demeure que le point de départ de l’enquête pour le journaliste renvoie au flair, au sens de l’observation, à la constatation, les difficultés liées à l’accès à l’information sont bien présentes. C’est dans ce contexte que l’on parle de plus en plus de data journalistes qui disposent d’outils permettant d’accéder à des informations sur les FFI quasiment inaccessibles et du fact-checking ou encore journalisme de vérification. S’il est compliqué d’obtenir des données dans le secteur bancaire et que la procédure y afférente soit longue, des structures comme la BCEAO, la CENTIF, le GIABA publient des rapports sur les FFI. En outre, les journalistes œuvrent au renforcement de la collaboration entre eux, facilitant ainsi le travail d’investigation et ce de manière transfrontalière. Bien que le risque d’emprisonnement soit assez présent et eu égard aux nombreux cas d’arrestations, les journalistes doivent davantage se mobiliser et poursuivre les enquêtes et la publication d’articles car jouant un rôle prépondérant dans la lutte contre les FFI à travers la divulgation et la sensibilisation.

A l’échelle internationale, la création de plateformes de données facilite les travaux de recherche. Ainsi, le journaliste Will Fitzgibbon recommande de se référer à ces bases de données notamment la plateforme « Offshore Leaks Database » mais aussi d’adopter une méthodologie de recherche de l’information adéquate afin de pouvoir disposer de plus d’informations pertinentes.

En outre, les axes qui suivent permettraient de soutenir les travaux d’investigation :

  • l’élaboration et la mise en vigueur d’une loi sur l’accès à l’information ;
  • la mise en place d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte et des professionnels de l’information ;
  • la restructuration de l’image attribuée aux journalistes en passant par la nécessité pour ces derniers de se conformer à l’éthique et à la déontologie afin de parer aux pratiques de mise à disposition d’informations sensibles aux journalistes étrangers et non aux journalistes locaux par les autorités et de catégorisation des journalistes en fonction des partis politiques ;
  • la création de services d’investigation au niveau des rédactions des radios et télévisions ;
  • la mise en place d’un dispositif de sécurité par les organes de presse pour assurer la sécurité immédiate du journaliste ;
  • la lutte contre l’individualisme à travers la vulgarisation des valeurs civiques ;
  • le développement d’un réseau de connaissances permettant d’affiner l’investigation notamment avec les avocats d’affaires et les notaires entre autres ;
  • la promotion de la patience et la rigueur journalistique afin d’aller dans le sens d’une production de qualité et pertinente et non d’une production régulière mais non assez affinée ;
  • la dotation des Etats africains d’une opinion publique et d’une société civile fortes ;
  • la conduite des travaux de recherche selon les points suivants :
    • le respect de la méthodologie d’investigation ;
    • l’évaluation permanente de la logique selon le type d’acte posé ;
  • la formation des journalistes puisque n’étant ni des fiscalistes, ni des économistes, afin que les documents portant sur les FFI puissent être correctement déchiffrés.

Les intervenants

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